Résumé : | "Nous si nombreux... incernables... incommensurables..." Nathalie Sarraute convoque chacun de ces "je" qui nous compose et leur donne à tous la parole. Elle déplore les vols et viols de nos pluripersonnalités commis par l'entourage... une pluralité vite réduite à un singulier menteur, erroné, assassin. Elle se demande comment l'on peut s'aimer soi-même, ce qui implique de "se sentir si nets, si simples". Comment enfin est-il possible, en toutes circonstances, de rester à l'écoute de cette constellation de nous-même ? L'écrivain livre sa propre "multitude" dans une manière de colloque, non dénué d'humour, au cours duquel les "moi" devisent, analysent, s'apostrophent, se raillent, se corrigent, avec amitié, mais avec un constant souci de dire le vrai. Tu ne t'aimes pas (1989) est un bel exemple de cet "autre monde, furtif, apeuré, tremblant" de la "sous-conversation" décrit dans L'Usage de la parole (1980). Admiratrice de Proust et de Woolf, Sarraute aime à reconstituer chacun des "courants" de la conscience, comme elle l'explique dans son important essai, L'Ère du soupçon (1956). --Laure Anciel |